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Concours – instrument vivant de la culture du bâti – werk, edition

L’ego n’a pas sa place dans un jury

L’architecte tessinois Jachen Könz connaît les deux côtés : il participe, d’une part, activement à des concours et il organise et accompagne, d’autre part, des procédures pour le compte de la maîtrise d’ouvrage. En tant que coordinateur, il occupe une position particulière dans un processus de concours. Il lui faut pour cela disposer d’un savoir technique approfondi, tout en faisant preuve d’humilité et d’une bonne dose d’empathie pour accompagner dans leur voyage commun les maîtres d’ouvrage et le jury.

Jachen Könz, Caspar SchärerCommander la publication

Caspar Schärer (CS) Les concours nécessitent une préparation et un accompagnement. Comment se déroule concrètement cette procédure ?

Jachen Könz (JK) La première chose à faire est de comprendre et de clarifier les besoins du maître d’ouvrage. Certains maîtres d’ouvrage adoptent une approche professionnelle : ils ont éclairci certaines choses et ont une idée de ce qu’ils veulent et des volumes de prestations que cela représente. Mais bien souvent, ce n’est pas le cas. En tant que coordinateur de concours, mon rôle consiste à écouter le maître d’ouvrage et, si nécessaire, à lui demander des précisions : d’où vient exactement le nombre de mètres carrés, en quoi ce hall est-il nécessaire, le terrain est-il adéquat, des alternatives existent-elles ? Surtout, chose très importante : les souhaits et le budget sont-ils compatibles ? Si tous ces aspects ne sont pas encore clairs, je recommande de réaliser une étude de faisabilité.

CS Que se passe-t-il une fois que les besoins ont été clarifiés ?

JK À partir de la faisabilité de base, un programme d’aménagement spatial est établi, qui est lui-même suivi par un programme de concours. Il faut ensuite déterminer la procédure, c’est-à-dire la marche à suivre. La question de l’anonymat et de la participation sélective se pose ici de manière récurrente. Je plaide pour des procédures ouvertes, dans lesquelles l’anonymat des auteurs est préservé. En dépit de toutes les incertitudes, c’est en effet l’enjeu qui importe et non les personnes.
Les maîtres d’ouvrage, en revanche, veulent savoir à qui ils ont affaire. La perte de contrôle qu’induit l’anonymat les inquiète. Mon rôle de coordinateur est de prendre ces inquiétudes au sérieux et de déve-lopper une argumentation fondée sur des critères objectifs. Un autre aspect régulièrement discuté est la composition du jury – pas nécessairement en ce qui concerne les individus eux-mêmes, mais pour ce qui est de la surreprésentation des membres professionnels prescrite dans le règlement SIA 142. Cela provoque souvent des irritations, parce que le maître d’ouvrage pense qu’il pourrait être mis en minorité par les architectes.
Il est essentiel de bien saisir cela : dans un concours d’architecture anonyme et correctement organisé, le maître d’ouvrage cède certaines compétences clés à un processus pouvant évoluer selon une dynamique propre et dont l’issue est imprévisible. Reconnaître que c’est précisément en cela que réside le potentiel d’un concours de projets nécessite de faire confiance à une évaluation qui doit être menée avec sérieux. Il n’est donc pas étonnant que les préparatifs prennent du temps.

CS Quelles qualifications devraient avoir les architectes qui préparent et accompagnent les concours ?

JK Il convient en premier lieu qu’ils aient une expérience personnelle des concours, et qu’ils aient donc déjà participé à des procédures, ce qui ne va pas de soi. Dans le domaine de l’accompagnement des concours, les acteurs sont nombreux à n’avoir jamais été eux-mêmes du côté des participants. Cette évolution me semble néfaste, de sorte que je m’engage pour que les architectes soient mandatés sur la base de leurs compétences professionnelles afin d’assumer cette tâche importante.
C’est aussi en cela que consiste le rôle de coordinateur ou de coordinatrice. Dans ce rôle, on se situe entre le maître d’ouvrage et le concepteur ; on devient le représentant du maître d’ouvrage grâce aux connaissances spécialisées de l’autre partie. C’est cette position particulière que je m’attache sans cesse à faire comprendre à mes collègues. En tant que coordinateur, j’assiste le maître d’ouvrage dans des domaines qu’il ne connaît pas forcément bien. Cela nécessite de disposer de connaissances techniques tout en faisant preuve d’humilité et d’empathie.
J’ai présidé pendant de longues années la Commissione Concorsi Ticino (CCTi), une commission de la SIA Ticino. Nous y avons beaucoup réfléchi à la préparation et à l’accompagnement des concours. Nous avons organisé des cours pour les architectes afin qu’ils puissent se préparer à ce rôle particulier.

CS Une notion centrale se dégage de tes descriptions : celle de la confiance. Comment gagnes-tu la confiance des maîtres d’ouvrage ?

JK Au risque de me répéter : l’écoute revêt un caractère primordial. Il faut également montrer qu’on prend ses interlocuteurs au sérieux. On attribue souvent aux architectes la réputation de ne se soucier

 

Jachen Könz, architecte EPF SIA FAS ayant son propre bureau à Lugano ; membre de la Commissione Concorsi Ticino (CCTi) pendant 20 ans, dont 5 années en qualité de président ; représentant de la FAS au sein du groupe de travail des associations de mandataires de la construction, qui a élaboré en 2023 le document « Mise en concurrence : recommandations pour les jurys ».